Edito de l’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du District de France, paru dans le dernier numéro de Tu es Petrus
Société de Vie Apostolique
Dans ses constitutions, la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre est définie comme une « société cléricale de vie apostolique de droit Pontifical ». Pour le Code de droit canonique, lequel régit la vie de l’Eglise catholique latine, une société de vie apostolique est une réalité bien précise, située à mi-chemin entre les instituts religieux et le clergé diocésain. En effet, par la vie fraternelle en commun demandée à ses membres, une société de vie apostolique peut être assimilée (mais non identifiée) aux instituts de vie consacrée. Cependant, la société de vie apostolique diffère des instituts de vie consacrée en ce qu’elle ne prévoit pas la profession publique des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, qui constitue en propre la vie religieuse. Toutefois, la Fraternité Saint-Pierre étant une société cléricale (Fraternité sacerdotale Saint-Pierre), ses membres prononcent, avant leur incorporation définitive, au moment du diaconat, une promesse de célibat ; par ailleurs, ils sont encouragés, par leurs constitutions elles-mêmes, à vivre la vie sacerdotale dans un esprit de pauvreté. Ce cadre juridique, hérité de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, fait des membres de la Fraternité Saint-Pierre des prêtres séculiers, exerçant leur ministère dans un diocèse, tout en étant attachés canoniquement à leur institut. Pour cette raison, ils peuvent être nommés successivement dans plusieurs diocèses puisqu’ils n’y sont jamais incardinés, c’est-à-dire qu’ils n’y sont jamais attachés de façon stable. Enfin, la Fraternité sacerdotale saint-Pierre est une société de droit pontifical, ce qui signifie qu’elle est soumise immédiatement et exclusivement à l’autorité du Saint-Siège pour tout ce qui a trait à son gouvernement interne.
Mais ce qui définit de façon essentielle l’identité propre d’une société de vie apostolique est exprimé dans ses constitutions, lesquelles précisent sa finalité. Or celles de la Fraternité Saint-Pierre prévoient que ses membres se sanctifient par l’exercice du sacerdoce, en particulier par la célébration du Saint Sacrifice de la Messe, dans l’observance fidèle des traditions liturgiques et disciplinaires du Motu Proprio « Ecclesia Dei », traditions antérieures, donc, à la réforme de 1969. Cette dimension est assurément la plus caractéristique de notre institut, puisqu’elle exprime son but premier. Pour autant, il est important de ne pas oublier que la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre est premièrement (dans l’ordre chronologique), une société cléricale c’est-à-dire la réunion de plusieurs prêtres qui mènent une vie fraternelle. Cette vie fraternelle, c’est dans des prieurés ou des maisons qu’elle trouve ensuite le lieu où s’incarner : les prêtres n’y sont pas forcément nombreux (entre deux et huit dans le District de France), mais ils forment là une certaine « société cléricale », aspect essentiel de la Fraternité Saint-Pierre. En effet, la vie commune et fraternelle est l’élément propre et fondamental qui constitue une société de vie apostolique. Pour cela, en 1988, nos fondateurs ont appelé notre institut une fraternité sacerdotale, soulignant ainsi l’importance de la vie commune. Celle-ci plonge ses racines dans le grand mouvement de réforme du clergé français, au début du XVIIe siècle, où sont apparues les premières congrégations de prêtres séculiers, vivant en communauté, mais sans professer de vœux religieux. Le grand nom de cette période est Pierre de Bérulle, fondateur de la Société de l’Oratoire, dont le but était la sanctification des prêtres par l’exercice du sacerdoce. Après la crise protestante où la figure du prêtre avait été violemment attaquée, Pierre de Bérulle, fort des encouragements du Concile de Trente, créa en 1611 une congrégation tout à fait nouvelle qui rassemblait des prêtres séculiers, appelés à se sanctifier par les différents actes du ministère sacerdotal. Venant en aide au clergé diocésain, les Oratoriens n’avaient d’autre but que de tendre à la perfection du sacerdoce par l’imitation du Christ-Prêtre, et ce à travers certains moyens concrets : la vie fraternelle, la prière commune et une solide formation théologique et spirituelle. Si tout prêtre est évidemment appelé à se sanctifier à travers le ministère sacerdotal, le Cardinal de Bérulle est allé plus loin en élaborant une vraie théologie du sacerdoce centrée sur l’humanité du Sauveur comme instrument de sa Divinité. Or la Fraternité Saint-Pierre est directement héritière de cette spiritualité, appelant ses membres à se sanctifier de la sorte : il s’agit, par l’exercice du sacerdoce, « d’orienter et de réaliser la vie du prêtre vers ce qui est essentiellement sa raison d’être, le Saint Sacrifice de la Messe, avec tout ce qu’il signifie, tout ce qui en découle tout ce qui en est le complément » (Constitutions, n°7). Et les moyens choisis par la Fraternité Saint-Pierre pour guider ses membres vers leur fin semblent, comme du temps de Bérulle, assez adaptés à la période difficile que nous connaissons. En effet, attaqué d’une manière différente qu’il ne le fut au XVIe siècle, au moment du schisme protestant, le sacerdoce est aujourd’hui ignoré ou incompris : aussi la vie fraternelle se présente-t-elle comme un auxiliaire précieux pour le prêtre du XXIe siècle. Par le soutien qu’elle apporte, mais aussi par les exigences qu’elle fixe, la vie communautaire donne au prêtre un cadre solide, un cadre tel qu’il le protège du climat irréligieux de notre société et l’aide à observer les engagements liés à son état de vie. Il ne s’agit certes pas d’une assurance infaillible contre la tiédeur ou les dangers qui guettent toute vie sacerdotale. Toutefois la vie fraternelle est un moyen réaliste, éprouvé, pour aider le prêtre à demeurer et à progresser dans la fidélité à sa vocation surnaturelle. A travers la prière en commun, la table commune, les moments de détente partagés, à travers les efforts et les sacrifices exigés par la cohabitation, où le regard habituel des confrères est porté sur sa propre vie, cette vie fraternelle protège et aiguillonne le prêtre. Daigne saint Pierre, mais aussi les grandes figures de l’« Ecole française de spiritualité » (Pierre de Bérulle, Charles de Condren, saint Vincent de Paul, Jean-Jacques Olier, saint Jean-Eudes), soutenir les prêtres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, les aidant à se sanctifier dans et par l’exercice de leur ministère sacerdotal.