L’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du district de France écrit dans l’éditorial du dernier numéro de « Tu es Petrus ». Il nous livre une réflexion au sujet des derniers évènements qui secouent l’Eglise.
Le cri de détresse lancé jadis par les Apôtres dans la barque submergée retentit aujourd’hui dans le cœur de nombreux catholiques abasourdis et déstabilisés par les obscénités criminelles de nombreux ministres du Christ. Non pas qu’il y ait eu une recrudescence d’ignominies chez les prêtres ces dernières années, mais parce que différentes enquêtes ont révélé, concomitamment, des forfaits cachés depuis des décennies. Pour cette raison, l’effet est violent, le choc brutal. Certes, une joie malsaine anime certains médias à l’idée de révéler les turpitudes d’une institution pourtant en perte de vitesse et souvent malmenée, mais il n’empêche que l’on attend forcément une certaine exemplarité chez ceux qui ont été configurés à Jésus-Christ, enseignent sa parole et dispensent sa grâce. Pourtant les faits sont là dans toute leur laideur, indéniables, répugnants, effrayants. Des hommes qui ont donné leur vie au Christ se sont vautrés dans le stupre, allant jusqu’à élaborer toute une organisation pour encadrer leurs désordres. Et des silences coupables ont couvert ces méfaits, leur permettant de se perpétrer en toute impunité. Tout cela est désormais su. Mais il ne s’agit pas de hurler avec les loups et de désigner, avec une assurance et une morgue toute pharisienne, ceux qui ont déchu. Non, il faut voir la situation en face, avec une grande lucidité, pour l’affronter dans la foi et essayer de comprendre les mécanismes qui ont pu mener des clercs à de tels agissements. Indéniablement, nous sommes confrontés au « mystère d’iniquité » dont parle saint Paul (II Th 2,7) et qui s’est manifesté sous différents visages au cours de l’histoire de l’humanité. Ce visage est toujours effrayant et les grimaces lubriques de celui auquel nous avons affaire aujourd’hui sont aussi repoussantes que les innombrables crachats lancés à la face du Christ depuis deux mille ans.
L’homme est responsable de ses actes. Sauf s’il a perdu sa santé mentale, il reste libre, quand bien même son patrimoine génétique, son éducation et son histoire auraient conditionné son comportement. Mais le conditionnement n’est pas la détermination : l’homme conserve toujours une zone de libre arbitre, lui permettant d’agir librement. Ceci étant dit, le milieu de vie naturel et social dans lequel il évolue influence inévitablement son comportement. Et nul besoin d’être un grand psychologue pour affirmer que notre société occidentale débridée, individualiste et hédoniste rend plus ardu et plus périlleux le combat spirituel contre les pulsions sensibles qui sourdent chez tout homme marqué par le péché originel. La culture du bien-être et du plaisir ne facilite pas l’éclosion des vertus de force et de tempérance. Mais les abjections que les médias étalent sous nos yeux depuis plusieurs mois ne sont pas seulement des fautes contre la vertu de chasteté : ce sont des désordres contre-nature (agissements homosexuels), doublés parfois d’une agression, voire d’un crime (agissements pédophiles). Là encore, les hommes sont responsables de leurs actes et seul le Seigneur sait ce qui se passe dans le cœur de sa créature et peut lui attribuer, après sa mort, une juste rétribution. Pour autant, notre société porte aussi une part de responsabilité dans le sens où elle refuse hypocritement d’établir un quelconque lien entre l’homosexualité (qu’elle promeut) et la pédophilie (qu’elle condamne). Ce n’est assurément pas la même chose mais le rapport de Mgr Carlo Maria Vigano sur Mgr Theodore McCarrick révèle que « 80% des abus constatés ont été commis contre de jeunes adultes par des homosexuels ». Par ailleurs, bien des cas de pédophilie ont trait, en réalité, à l’éphébophilie, ce qui traduit, chez l’agresseur, une tendance homosexuelle. Il y a donc une hypocrisie schizophrène de notre société à refuser tout lien entre pédophilie et homosexualité. Cela n’enlève rien à l’horreur et à la gravité des comportements des clercs inculpés mais cela met en lumière l’aveuglement coupable des élites politiques qui dénoncent avec des cris d’orfraie des agissements, certes épouvantables, mais dont ils admettent les principes premiers.
Enfin, ces horreurs nous rappellent deux réalités essentielles, lesquelles doivent demeurer gravées au fond de notre cœur. La première est que nous suivons Jésus-Christ et que la défection de ses ministres, ne doit pas détourner notre regard de Sa Sainte Face. Il s’agit certes d’une épreuve redoutable pour toute l’Eglise, mais puisse-t-elle nous prémunir d’un attachement trop humain à des figures sacerdotales pour resserrer nos liens, dans la foi, avec l’unique Pasteur de nos âmes. La seconde est que l’homme est un abîme de misère, ce qui ne doit pas nous amener à relativiser ses bassesses mais plutôt à ne pas nous en étonner. Fidèle à l’Evangile et docile à la grâce, « l’homme passe infiniment l’homme[1] », mais laissé à ses seules forces, il peut s’effondrer et se vautrer dans la fange la plus infecte. Saint Augustin nous le rappelle dans un sermon sur la rémission des péchés : «Il n’est aucun péché commis par un homme, qu’un autre homme ne puisse commettre, s’il n’est gardé par Celui qui a fait l’homme [2]».
Abbé Benoît Paul-Joseph.
[1] Blaise Pascal, Pensées, Edition Brunschicg 434.
[2] Saint Augustin, Sermon 99.