Édito de l’abbé Paul-Joseph paru dans la lettre aux Amis n° 107, de mai 2021
Bien Vivre.
Quatre siècles avant Jésus-Christ, Aristote avait déjà vu qu’il ne s’agit pas seulement pour l’homme de vivre, mais de bien vivre, c’est-à-dire dignement. Le philosophe entendait par là que la vie pleinement humaine ne peut se limiter à la seule dimension biologique mais s’épanouit dans l’ordre social et spirituel. Et il est probable que la crispation autour de la santé du corps à laquelle nous avons affaire depuis plus d’un an, lui eût paru disproportionnée, voire désordonnée, tant elle bouleverse l’ordre des valeurs. En effet, à l’image d’une religion, la vie biologique nous demande désormais de lui sacrifier différents aspects de la vie humaine, comme si ces derniers lui étaient naturellement inférieurs. Le Carême sanitaire est ainsi devenu plus exigeant que le Carême traditionnel. Or, la vraie difficulté est là. Si la vie naturelle possède évidemment une bonté propre, sa vénération engendre un désordre en ce qu’elle évince tout ce qui pourrait la menacer ou simplement l’affaiblir. Mais ce rétrécissement empêche le bien vivre, lequel, depuis l’Incarnation du Fils de Dieu, demande l’épanouissement de la vie divine transmise par le baptême. Plus encore, cette vie éternelle commencée est désormais le trésor le plus précieux dont nous disposions, au point que le Seigneur nous exhorte à craindre davantage ceux qui pourraient nous le ravir plutôt que ceux qui pourraient nous prendre la seule vie du corps (Mt 10,28). Veillons donc à ce que le rituel sanitaire, lequel a également envahi nos églises, ne supplante pas, dans les faits et dans nos esprits, le rituel religieux destiné à la sanctification de nos âmes. Au soir de notre vie, seule la purification des sacrements pourra nous conserver en vie et les ablutions légales resteront impuissantes. Jésus l’avait dit à Satan : « L’homme ne vit pas seulement de pain » (Mt 4,4).