Article paru dans le Salon Beige le 24 octobre 2020. Entretien avec l’abbé Jacques Olivier suite à sa thèse : « Pouvoir royal et Pouvoir ecclésial – Le prophétisme de sainte Jeanne d’Arc au service de la Chrétienté »
Prêtre depuis 2003 au sein de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, l’abbé Jacques Olivier œuvre à Tarbes et au sanctuaire de Lourdes, après divers ministères paroissiaux en France, en Belgique et en Angleterre. Il a étudié la théologie à l’ISTA et à l’ICT à Toulouse. Il est l’auteur, entre autres, de la série de catéchisme ‘Les Trois Blancheurs’. Il est titulaire d’une licence en philosophie et vient de recevoir la mention ‘Summa cum Laude’ pour sa thèse doctorale en théologie, soutenue le 18 septembre 2020. La publication est prévue dans quelques mois aux Éditions du Cerf.
Vous venez de soutenir une thèse de théologie intitulée « Pouvoir royal et Pouvoir ecclésial – Le prophétisme de sainte Jeanne d’Arc au service de la Chrétienté ». Avec l’immense littérature existante sur la patronne secondaire de la France, qu’est-ce que votre travail apporte de nouveau ?
Sainte Jeanne d’Arc a fait l’objet de très nombreuses publications historiques, mais aussi de romans, de théâtre, de poésie, voire de mythes, de légendes ou de pamphlets. Pourtant, si le « comment » de son épopée a été largement étudié, il reste à découvrir la question du « pourquoi » Dieu a-t-il envoyé cette jeune fille ? La réponse d’une intervention divine dans une querelle dynastique – même si elle touche à nos sentiments patriotiques – ne peut suffire à expliquer une telle intervention divine extraordinaire et conduit à considérer une mission prophétique universelle, avec des rappels divins auprès des gouvernants, qu’ils soient laïcs ou clercs, afin qu’ils œuvrent au mieux du dessein divin dans leurs fonctions. Je montre ainsi dans mon travail en théologie des saints, qu’il y a un enseignement théologique authentique dans les paroles et les actions de sainte Jeanne d’Arc.
Vous parlez dans votre thèse de “théologie politique”. Dans notre pays de laïcisme, ne s’agit-il pas d’un oxymore ? Qu’entendez-vous par là ?
La notion de « théologie politique » peut certes déranger ceux qui rejettent les droits de Dieu sur le monde. Mais refuser la royauté du Christ-Roi sur le monde n’est qu’un déni de réalité qui ne la fait pas disparaître ! Le sacre du roi, au cœur de la théologie politique de sainte Jeanne d’Arc et de sa mission politique rappelle que tout pouvoir humain trouve sa source et sa légitimité « de par le Roi du Ciel » qui confirme et surélève ainsi les règles successorales. Contre tout laïcisme et tout légalisme abusif, Jeanne rappelle que sans l’autorité divine, le pouvoir politique n’existerait pas, car le pouvoir est inhérent à l’ordre établi dans la création. La relation entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, le Bien Commun ou la notion de Chrétienté sont des composants importants de ce message.
Pour les laïcs catholiques du Salon beige, pas toujours d’accord avec les discours politiques de certaines autorités ecclésiales, sainte Jeanne d’Arc, confrontée à un tribunal ecclésiastique, demeure un modèle. Que nous enseigne l’exemple de sainte Jeanne d’Arc sur notre rapport à l’autorité ecclésiastique ?
Sainte Jeanne d’Arc est un modèle d’obéissance à la volonté divine, qui est supérieure et prime sur toute autorité humaine, fût-elle ecclésiastique. Jeanne affirme aussi vouloir obéir à l’Église, tant qu’elle ne lui commande « rien d’impossible », c’est-à-dire, explique-t-elle, une chose contraire à ce que Dieu lui a commandé. Les dernières textes de l’Église définissent pour tout laïc dans l’Église une mission propre qui n’est pas nécessairement confiée par l’autorité ecclésiastique : par la grâce de son baptême, tout chrétien a une mission d’apostolat et de sainteté. Jeanne montre parfaitement l’exemple de la réalisation d’une mission propre à une sainte laïque, confiée par Dieu sans médiation humaine, loin de tout cléricalisme à tendance totalitaire, voire même à son encontre lorsqu’il outrepasse ses droits.