Edito de l’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du District de France, paru dans la dernière Lettre aux Amis et Bienfaiteurs
L’heure de notre mort
De Platon à Cicéron, la philosophie occidentale préchrétienne consistait à apprendre à l’homme à mourir. Depuis la mort admirable de Socrate, jusqu’à celle de Sénèque, la sagesse païenne cherchait, par des voies différentes, à accepter la mort. La Révélation chrétienne va enseigner aux hommes non plus à apprendre à mourir mais à préparer leur mort, celle-ci donnant lieu à une rencontre avec Dieu. Il ne s’agit plus de dominer la mort mais de s’y disposer, afin de l’affronter dans la paix et l’espérance. Si la sortie de cette vie reste une violence infligée à notre nature, l’exemple et le secours du Christ sont désormais des auxiliaires sûrs pour l’âme baptisée. Les bouleversements causés par l’épidémie de Covid-19 ont mis en lumière l’attitude de notre société face à la mort : inquiète seulement de notre vie biologique elle a négligé le redoutable passage de vie à trépas en laissant partir seules de nombreuses personnes, privées de tout soutien affectif et spirituel. Quand la nourriture bio, les salles de sport et la médecine ne peuvent plus rien pour nous, notre société se retrouve désemparée. Oublieuse de la sagesse antique et rétive à la foi chrétienne, elle reste comme hébétée face au scandale de la mort qu’elle ne parvient pas à juguler. Mais enfermée dans son refus obstiné de toute transcendance, elle a interdit l’accès aux hôpitaux à ceux qui prétendaient apporter un secours spirituel dont elle ne dispose pas. C’est ainsi que les prêtres n’ont pu, dans leur grande majorité, se rendre auprès des malades hospitalisés, la grâce de Jésus-Christ n’étant pas reconnue par la République française. Plutôt que de se demander si l’épidémie de Covid est un châtiment divin, il nous revient de traverser chrétiennement cette période en méditant sur notre nature mortelle et notre âme éternelle. A celui qui thésaurise dans son grenier le Seigneur rétorque : « Insensé, cette nuit même on va te demander ton âme ! » (Lc 12,20). Comme le sage de la fable de La Fontaine soyons « toujours prêts à partir », et daigne la Mère de Dieu nous assister à l’heure de notre mort.
Abbé Benoît Paul-Joseph Supérieur du district de France