Édito de l’abbé Benoît Paul-Joseph dans la nouvelle revue Tu es Petrus n° XXIV
… « la nation semblait à l’agonie, » dit le célèbre chant militaire adopté par les unités parachutistes, évoquant ce climat de crainte et d’exaltation qui précède les grandes batailles. « Plus de chefs, plus de foi, un destin malheureux s’abattait sur la chère patrie. » Sommes-nous à la veille de grands affrontements, où les vertus guerrières, éclairées et soutenues par notre foi en Jésus-Christ vont devoir être sollicitées ? C’est très probable car, à vrai dire, ce combat est déjà engagé, que nous le voulions ou non. Telle l’Hydre de Lerne, nous luttons contre un monstre à multiples têtes qui nous défie sur plusieurs terrains, à tel point qu’il nous est difficile de mener une bataille rangée. Mais chacune de ces têtes nous présente le même visage défiguré de la première créature de Dieu, le Séraphin porteur de la lumière, précipité en Enfer par l’Archange saint Michel. Car notre ennemi n’est pas une créature imaginaire inventée par la mythologie, mais bien l’antique serpent de l’Apocalypse, répétant sans fin son cri de révolte : « Non serviam ! : je ne servirai pas ! ». Repris sur bien des tons au cours de l’histoire, ce cri n’a jamais cessé de séduire une partie de l’humanité et de rassembler des disciples autour du Révolté.
Chaque époque croit traverser les crises les plus redoutables et affronter les épreuves les plus exigeantes. L’avenir dira si la nôtre a connu des assauts plus violents que ceux des temps passés, mais il certain que notre société occidentale touche à une forme de paroxysme dans sa rébellion contre Dieu. Hypnotisée par les prouesses de la technique, asservie par la dictature du progrès, elle s’obstine à promettre à l’homme une amélioration permanente, feignant d’ignorer le vide spirituel dans lequel elle le condamne à vivre. Persuadée d’être immunisée contre toute forme de totalitarisme, la démocratie occidentale assujettit ses citoyens à la religion du progrès, vu comme une force positive irrépressible. C’est en son nom que notre société prétend aujourd’hui façonner un homme nouveau qu’elle voudrait sans sexe, sans parents, sans patrie, sans religion et sans civilisation. Charmée par la promesse satanique du Jardin d’Eden – vous serez comme des dieux – notre époque moderne entend refonder la nature humaine et bouleverser les lois naturelles pour lesquelles elle n’a pas été consultée. Oublieuse, non seulement de la loi de Dieu, mais aussi de la sagesse antique, elle s’enfonce dans la terrible hybris contre laquelle les Anciens ont toujours mis en garde. Car le progrès n’est pas un bien en soi : le mot signifie simplement un mouvement en avant, lequel peut être bénéfique ou maléfique. Une maladie aussi progresse, tout comme un incendie ou les forces ennemies… Or, assurément, celles-ci progressent en inoculant dans les esprits la haine de toute loi qui surpasse l’homme, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle. Toute norme, toute limite est insupportable à notre société, qui cueille avec frénésie et insouciance tous les fruits défendus qu’elle peut atteindre.
« La nation semblait à l’agonie … » : Oui, mais ce n’est pas la première fois ! Et dans le pays de sainte Jeanne d’Arc, de Charette et d’Hélie de Saint Marc, la résignation est impossible et la résistance obligatoire. Comme le dit l’officier vendéen : « Il est vieux comme le diable, le monde qu’ils disent nouveau et qu’ils veulent fonder dans l’absence de Dieu. En face de ces démons qui renaissent de siècle en siècle, sommes une jeunesse, la jeunesse de Dieu, la jeunesse de la fidélité ! ». Au-delà de ses résultats tangibles, un mouvement de résistance comprend toujours un double ferment : il éveille les consciences et trace un sillage dans lequel les générations suivantes pourront se placer. A nous, aujourd’hui, il revient d’entrer dans une forme de dissidence afin d’enrayer la machine infernale qui s’apprête à broyer tout l’héritage de notre civilisation chrétienne. Cela se fera d’abord par la prière et la solidité de notre vie de baptisé, mais aussi par notre engagement dans diverses formes de militantisme, lesquelles nous permettront d’exercer des actions concrètes dans la société civile.
Les seules batailles perdues d’avance sont celles que l’on refuse de livrer : « Il faut tenter l’impossible, tout tranquillement. Commence, Jeanne, dit l’Archange saint Michel, Dieu ne te demande pas autre chose, après Il pourvoira à tout [1]. »
Abbé Benoît Paul-Joseph
Supérieur du District France
[1] Jean Anouilh, L’Alouette.